Restrospective des créations du couturier sous le signe de l’opulence

Par Diane, Saurat, conférencière experte parfum

Bercé par les odeurs de son Algérie natale et marqué par les fragrances de la maison Dior où il débuta sa carrière, Yves Saint Laurent songe tôt à lancer ses parfums. Le premier naît en 1964. Sobrement nommé Y, son jus est signé Michel Hy. Il sera suivi par Eau Libre, Kouros, Paris

Trois d’entre eux défrayeront particulièrement la chronique.

S’affranchissant de la tradition sclérosante de la haute couture, Yves Saint Laurent s’oriente vers le prêt à porter pour toucher un public plus jeune, ayant moins de moyens, mais plus de fantaisie. Et le parfum n’est pas oublié.

Rive Gauche habille le sillage des dames, tandis que Pour Homme crée la surprise. Raymond Chaillan formule un parfum aromatique, au goût du couturier. Yves Saint Laurent confie son image à Jean-Loup Sieff et devient sa propre égérie pour ce premier masculin.

Dans l’ambiance tamisée du studio, il pause vêtu de noir, avant de se mettre nu devant l’objectif. Aucun homme n’avait osé cela avant. Si la presse est habituée à la nudité féminine, très peu de journaux accepteront de diffuser ces clichés. La communauté homosexuelle y verra un geste fort.

Epris de cultures étrangères, Yves Saint Laurent dédie, en 1977, l’une de ses plus belles collections à l’Asie éternelle et rêve d’un parfum pour l’impératrice de Chine : riche, oriental et exotique. Jean-Louis Sieuzac compose un jus d’une rare richesse : bergamote, girofle, jasmin, coriandre, poivre de Sichuan, iris, patchouli, rose, santal, cannelle, ambre, benjoin, myrrhe, opoponax, baume de Tolu, vanille, encens, cèdre… L’opulence !

Pour son écrin, il s’adresse à Pierre Dinand et lui relate une hallucination vécue sous extasy : des feuilles rouges sur fond or. Le designer évoque les inros, petites boîtes en laque, portées à la ceinture par les samouraïs y conservant leurs boulettes d’opium. Ce flacon va donner son nom au parfum : Opium.

Lancé en France en octobre 1977, l’engouement provoque sa rupture de stock en trois semaines. Jamais aucune campagne publicitaire n’a fait autant rêver. Helmut Newton photographie Jerry Hall, alanguie dans un boudoir oriental. Orchestrée par MAFIA, l’agence de Denise Fayolle et de Maïmé Arnodin, le slogan a de quoi marquer les esprits : « Opium, pour celles qui s’adonnent à Yves Saint Laurent ». Mais quand on appartient à Squibb, société pharmaceutique, ayant fait de la lutte contre la drogue son cheval de bataille, Opium désarçonne. Il ne faudra pas moins d’une année de négociation pour que le parfum puisse sortir aux Etats-Unis. L’attente est couronnée par un feu d’artifice inscrivant les lettres YSL dans le ciel de Manhattan.

En 1993, Yves Saint Laurent veut un parfum gai pour une femme qui pétille. Le nom lui paraît tout trouvé : Champagne !

Sophia Grosjman compose un jus fruité, vif et épicé, dont les notes florales s’habillent d’une finale gourmande. Malheureusement, le Comité d’Appellation des Vins de Champagne ne l’entend pas de cette oreille et demande à ce que le nom soit retiré. Le parfum, lové dans un flacon évoquant les bouchons de Champagne, est privé d’identité et le clame : « Yves Saint Laurent, le parfum dont le nom est interdit » !

Trois ans après la sortie de ce jus mis à l’index, il est de nouveau porté sur les fonds baptismaux prenant le nom génial d’Yvresse, ou quand de la contrainte née la créativité.

 

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