Le style Mucha au cœur de l’Art Nouveau
L’exposition « Mucha Maître de l’Art Nouveau » se tient à l’Hôtel de Caumont à Aix en Provence jusqu’au 24 mars 2024. Une conférence « La Mode des Années folles » est une occasion de s’y retrouver.
Pour mieux comprendre l’univers de Mucha, je vous propose de me retrouver le 25 novembre à 10h à l’hôtel de Caumont autour de la Mode des Années folles. On y parlera tenues, accessoires, art et bien sûr parfum.
Car chez Alphonse Mucha (1860-1939), grand maître de l’Art Nouveau la femme est à la fois sensuelle gaie, surprise dans des poses mutines, romantiques, pensives ou contemplatives. Entourée d’un décor floral foisonnant très stylisé, drapée dans des robes fluides ou des déshabillés de soie, la « femme Art nouveau » déploie sa chevelure ondoyante, dont les volutes se marient aux arabesques de Dame Nature. Figure allégorique, elle revêt tous les attributs de l’être idéal.
En robes colorées aux arabesques voluptueuses et aux motifs inspirés de l’art byzantin, dans des décors baroques ou des estampes japonaises… les femmes fleurs semblent prendre vie sous nos yeux.
L’affiche, tout un art
Pour Alphonse Mucha, artiste visionnaire, l’affiche est un art qui, par l’éveil au sensible doit guider et élever le peuple. Elle dépasse le seul projet publicitaire et invite à découvrir des peintures souvent méconnues à travers une lecture politique et symboliste. Selon lui « le merveilleux poème du corps humain, celui des animaux, la musique des lignes, et des couleurs émanant des fleurs, des feuilles et des fruits, sont les éducateurs de nos yeux et de notre goût. »
Cette conception naturaliste de l’art explique les figures féminines stylisées qu’il dessine pour l’industrie et le commerce. Au-delà de la collaboration de Mucha avec la tragédienne Sarah Bernhardt, l’exposition s’intéresse aux panneaux décoratifs qui mettent en scène les ambassadrices des plaisirs luxueux de la Belle Époque : liqueurs, biscuits, papier à cigarettes…
Leur abondante chevelure, aux arabesques stylisées revient comme un motif ornemental singulier dans l’œuvre de Mucha. La préciosité de ces nombreuses compositions, comme travaillées à la feuille d’or se retrouve aussi dans le traitement des fleurs.
Un parfum, une parure
L’ombelle, le pavot, l’iris, le camélia sont de véritables parures pour les femmes dessinées et peintes par Mucha. Telle une ornementation graphique, elles structurent la composition des affiches. Comme c’est le cas pour l’iris que porte Roxane sur l’affiche de Cyrano de Bergerac, créée en 1897. Elles sont aussi symboliques : elles représentent l’absolu de la féminité par leurs courbes sensuelles, leurs couleurs et leur parfum.
Le « style Mucha »
On parle de « style Mucha » comme le fruit, selon Marcus Mucha, arrière petit fils de l’artiste, d’une « réaction à l’industrialisation. D’un côté, les affiches de Mucha témoignent d’un retour à la nature : au lieu des encres chimiques vives que ses contemporains utilisaient, avec des rouges et des bleus éclatants, les affiches de Mucha se caractérisent par une palette de couleurs plus pastel ; les courbes et les motifs floraux mettent en avant le monde naturel qui nous entoure.
Il poursuit : « d’un autre côté, Alphonse croyait que l’art était pour tout le monde, et pas seulement pour les salons de l’élite. Ainsi, les innovations technologiques dans le domaine de la lithographie ont permis à ses œuvres d’être partagées et diffusées dans le monde entier d’une manière qui était jusqu’alors impossible, faisant du « style Mucha » et de l’Art nouveau peut-être le premier mouvement artistique véritablement mondial ».
Cette exposition propose également un focus sur la pratique photographique de Mucha, qui lui permit d’exercer son sens de la composition et de la théâtralisation. Un focus sur l’occultisme est présenté comme moyen d’approfondir son répertoire des émotions. L’exposition se termine par une salle immersive consacrée au chef-d’oeuvre monumental d’Alphonse Mucha, l’Epopée slave.
À travers près de 120 œuvres provenant de la Fondation Mucha à Prague, cette exposition met en lumière toute la splendeur et l’évolution du style Mucha où mysticisme, symbolisme, identité slave et beauté se côtoient.
Repères
Né à Ivančice en actuelle République tchèque, Alphonse Mucha grandit dans une province slave de l’Empire austro-hongrois avant de rejoindre Paris en 1887, après une formation académique à l’École des Beaux-Arts de Munich. C’est au cours de ces années de jeunesse qu’il se construit une conscience politique engagée où l’affirmation de l’identité des peuples slaves occupe une place centrale. À Paris, les cercles artistiques sont fascinés par un mysticisme fin-de-siècle. Alphonse Mucha rencontre la « Divine » Sarah Bernhardt et devient le grand affichiste que l’on connaît. Mucha va alors conquérir le tout Paris et s’exporter à l’international jusqu’à s’imposer comme une figure majeure de l’esthétique de l’Art Nouveau, caractéristique de l’époque. Pourtant, les véritables ambitions de cet artiste sont toutes autres : Alphonse Mucha, qui se veut plus engagé, aspire à créer des œuvres aux desseins plus nobles afin de mettre son art au service de la fraternité universelle. Franc-maçon actif et ardent défenseur du peuple slave, Mucha développera toute sa vie un art qui se veut « libérateur », en lui donnant une identité à la fois tchèque, slave, mais aussi humaniste.
Cette exposition a pour but de montrer non seulement comment l’œuvre de Mucha, mêlant différentes esthétiques, est fondamentalement engagée, mais aussi comment l’usage et l’appel de la beauté sont empreints de symbolisme et de mysticisme. Mucha, pour qui l’art revêt un caractère universel, tente d’affirmer ses intentions artistiques dans son œuvre. Outre l’évolution du style graphique de Mucha et l’inspiration mystique de son langage visuel, l’exposition met à l’honneur la pensée engagée de l’artiste en tant qu’élément constitutif de ses œuvres empreintes de beauté et d’harmonie.