Voici une extraordinaire collection de 2600 pièces cataloguée selon des critères muséographiques qui n’est pas seulement le résultat d’une passion pour les beaux objets. Celle qui la possède, Anne de Thoisy-Dallem, nous la présente ici en avant-première.

Comment vous est venu cet intérêt pour les poudriers ?

Anne de Thoisy-Dallem : Cela fait bien longtemps que je m’intéresse aux accessoires de mode. Je collectionnais déjà, de façon moins systématique, de petits sacs, des carnets de bal, des porte-monnaie, des gants, des éventails, des ombrelles, des flacons de parfum, des rouges à lèvres et des nécessaires de dame. Ce monde féminin fait d’intimité et de délicatesse, sa recherche d’élégance dans les détails, m’attire.

Pourquoi avez-vous alors choisi de vous consacrer plus spécifiquement à l’un de ces accessoires parmi autant de sujets ?

ATD : En constituant cette collections de poudriers et de boîtes à poudre depuis 2009, j’ai remarqué qu’il y avait très peu de publications sur ce thème. J’ai décidé d’en apprendre plus à leur sujet. J’espère contribuer à la connaissance et à la compréhension de ce type d’objets en les collectionnant et en les étudiant.

« Parfumerie » est, à la fin du XIXème siècle, le terme qui désigne aujourd’hui une ligne parfumée. La maison de parfums Roger et Gallet fut l’une des premières à lancer ce type de produits. Fondée par les beaux-frères Armand Roger et Charles Gallet, la marque parisienne a conçu des fragrances, produits de beauté et savons pendant plus de 150 ans. Une boîte à poudre ronde « L’extra fine poudre de riz Roger et Gallet Paris peau d’Espagne », deux flacons de parfum « Extrait Anthéa » l’un marqué « Héliotrope blanc », l’autre « lilas blanc » ainsi qu’un « Savon extra » ont été placés dans un coffret gainé de velours vert pâle. Ils sont disposés sur de la ouate entourée de papier imitant la dentelle. Une feuille de papier blanc, ornée de rubans roses et accompagnée de brochures publicitaires et explicatives, protège les produits.

Cette collection nous raconte aussi l’art de se parfumer en France…

ATD : Oui en effet. Il est normal en France, depuis des siècles, de se parfumer. Le parfum fait partie de l’identité française. J’ai de bonnes références en la matière. Ma grand-tante, soeur de mon grand-père, qui ressemblait à une marquise du XVIIIème dans son bel appartement près du Champ-de-Mars, était toujours couverte d’une poudre de riz très agréablement parfumée. Dans ma famille, les femmes portent des parfums comme Guerlain et Dior. Moi-même, aujourd’hui je porte Un jardin sur le Nil d’Hermès.

A quand remonte le début de votre collection ?

ATD : Après 20 ans au service des musées de France comme conservatrice, j’ai décidé il y a 7 ans de travailler comme chercheuse indépendante. Férue d’histoire de l’Art et désireuse de transmettre, j’ai travaillé activement sur la constitution de ma collection de poudriers et de boîtes à poudre que j’avais modestement commencée trois ans auparavant en 2009. Dans le beau Passage des Panoramas, le plus ancien de Paris construit en 1799, j’ai découvert un jour par hasard avec ma fille deux poudriers Art Déco. Ce fut le départ inconscient de ma future collection. Comme Pandore, j’ai toujours été attirée par les boîtes mais aussi par le parfum, hésitant quand j’étais jeune entre des études d’histoire de l’art et celles pour devenir parfumeur.

L’affiche est signée en bas à droite « P. de Belair ». Cet artiste peintre, décorateur et affichiste, Pierre Mitiffiot de Belair (Lyon, 1892-1956) est enregistré au Salon des Artistes français en 1929. Il a été l’élève du peintre Jean-Paul Laurens. On voit sur cette image une belle jeune femme aux cheveux roux ondulés assise dans sa chambre à sa table de toilette. Elle porte un long déshabillé gris volanté autour des épaules et des chaussures à talons hauts contemplant son joli visage souriant dans un miroir à main. Les meubles (armoire, table ronde, et table de toilette) typiquement Art Déco, sont tous en acajou. Sur la table de toilette sont disposés des bouteilles de parfum, des vaporisateurs, des crèmes et des boîtes à poudre. Les rideaux de soie jaune, le tapis de laine blanche, le papier peint à tonalités rouges et les branches fleuries créent une atmosphère raffinée. L’affiche a toujours son cadre d’origine en bois et stuc peint mais la petite plaque de cuivre qui portait la marque « L.T. Piver » est manquante.

Pourquoi envisager de la présenter au public ?

ATD : Il n’y a encore eu aucune exposition avec mes poudriers et mes boîtes à poudre car je travaillais jusqu’ici sur la constitution de la collection, son inventaire et son étude. Aujourd’hui, je voudrais partager mon intérêt et offrir à la curiosité du public cette collection, complètement inconnue jusqu’à maintenant.

A GAUCHE : Boîte à poudre Cendres d’amour, Hyalisia, Paris. 1925. Diamètre : 6,8 cm. Carton et papier imprimé. Collection Anne de Thoisy-Dallem, Paris. Cette boîte à poudre cylindrique, gainée de papier gaufré coloré, est décorée d’un délicat motif : cinq dames vêtues de robes à la Française du XVIIIème siècle, portant éventails et cheveux poudrés, sont en conversation dans un parc. La nostalgie pour le XVIIIème siècle était très présente pendant les 25 premières années du XXème siècle. Les couleurs raffinées sont rose saumon, dorées et blanches. Les inscriptions sur la base indiquent « Poudre de riz extra-fine au parfum Cendres d’amour. Teinte blanche » et « Hyalisia Parfumerie. 13, rue de Douai Paris ». La boîte, pleine de poudre, est fermée par un papier épais et blanc marqué « Hyalisia Paris ». Cette parfumerie de luxe se situait à Paris pendant les années 20 dans l’élégant quartier de la Nouvelle Athènes.

Pouvez-vous nous en dire plus sur le contenu de la collection ?

ATD : Aujourd’hui, la collection dépasse les 2600 pièces concernant la poudre de beauté. Il s’agit de poudriers de sacs et vanity cases (1300), boites à poudres en carton et autres matières (900), documents tels que publicités, peintures, dessins, archives, catalogues, cartes postales, cartes parfumées, éventails (plus de 400).
Ces objets représentent de très nombreuses marques de parfumerie et de haute couture. Il est impossible d’énumérer tous ces noms différents comme Roger et Gallet, L.T. Piver, D’Orsay, Lubin, Volnay, Jean d’Albret, Tokalon, Hudnut, Caron, Guerlain, Lancôme, Versace, Rochas, Dior, Arden, Lauder, Rubinstein, etc.
D’autres poudriers ou minaudières sont ciselés par des joailliers (pour Hermès, Lancel, Boucheron). D’autres encore sont des produits industriels fabriqués dans des matières modestes comme la bakélite ou le laiton (Etablissements Blondy, SGM…).

A gauche : Ce vanity case a la forme d’un petit sac à main. Il a été conçu, comme le suivant, par la firme L.S. Mayer fondée en 1822 à Francfort par une famille juive avec filiales à Pforzheim, Berlin, New York et Paris. En 1933, le siège déménage à Londres… Le vanity case est revêtu d’émail noir brillant, avec une boucle décorée de brillants, et se porte à l’aide d’une anse en métal argent. Il s’ouvre au sommet par un bouton-fermoir rond et métallique qui s’étend en deux parties de chaque côté de la charnière. A droite : Vanity case “Burlington” LSM en métal doré. Compagnie L. S. Mayer. Manufacture Gebrüder Schmidt, Idar-Oberstein, Allemagne (Réf. Lisa Larsson). Design 1937. 6,5 x 9,5 x 5,5 cm. Laiton. Ce vanity case est également en forme de petit sac. Il est semblable au modèle précédent hormis la matière et la couleur dorée. Il est décoré du motif guilloché dit de grains d’orge.

Ce qu’on appelle aujourd’hui Art Déco était appelé « Moderne » à l’époque. L’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes tenue à Paris d’avril à octobre 1925, a donné son nom à un style apparu pourtant dès les années 1910 et qui a duré jusque dans les années 1940. Sur cette photographie, sont disposés des poudriers géométriques et colorés, au design inspiré par la peinture abstraite contemporaine. En haut, à gauche, le poudrier bleu et rond est marqué « Made in France », le décagone blanc et noir « Made in Czechoslovakia » et le poudrier rond, marron et jaune pâle « Germany ». Ils sont très modernes pour l’époque et rappellent par exemple le peintre tchèque Frank Kupka (1871-1957) pionnier et co-fondateur des phases précoces de l’Art Abstrait.

Pour les boîtes à poudre qui étaient destinées aux tables de toilette ou aux commodes de chambre à coucher, le choix est vaste, du carton au cristal : porcelaine, verre, laque, papier mâché, bakélite, bois, paille ; tant de manufactures (Baccarat, Saint-Louis, manufacture de Desvres, Boulogne…) et tant d’artisans de tout bord !
Un talent créatif inouï apparaît en effet dans ces objets parfois modestes, parfois somptueux, réalisés par des maîtres-verriers comme Lalique ou Viard et des illustrateurs comme Iribe ou Lepape.

*Anne remercie François Goalec et Barthélémy Despax (photographes) pour leur collaboration durant le travail préparatoire.

Parcours d’Anne de Thoisy-Dallem

Anne a un cursus impressionnant doublé d’une expérience significative comme conservatrice du Patrimoine dans différents musées. Elle est diplômée de l’Institut national du Patrimoine, des Etudes supérieures de l’Ecole du Louvre et titulaire d’un Master en histoire de l’Art et Archéologie à la Sorbonne.
Grâce à ses connaissances approfondies en art et en muséographie, elle a pu rassembler une exceptionnelle collection de pièces rigoureusement sélectionnées et classées.

La Collection Anne de Thoisy-Dallem est ainsi unique par son originalité et son bon état de conservation.

MIP – 2 boulevard du Jeu de Ballon, 06130 GRASSE

 

 

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