Par Fanny Froeliger, traductrice spécialisée en parfumerie
Les fleurs que vous aimez… Vaste sujet !
Lorsqu’Isabelle m’a contactée pour me proposer d’écrire un billet pour sa newsletter à propos des fleurs les plus proches de mon cœur, mon esprit s’est mis à tourner et à partir dans toutes directions.
Comment choisir ? Pour le savoir, il allait me falloir interroger mes souvenirs, regarder mes dossiers photos, interroger mes goûts. Voici donc une petite balade dans mon jardin imaginaire.
Un jardin imaginaire
D’abord, il y a les fleurs de mon enfance, toutes celles que j’ai composées en bouquets et serrées dans mes petites mains, en espérant bien fort qu’elles ne faneraient pas pendant le trajet en voiture, qui nous ramenait de la balade dominicale en forêt. La petite pervenche et l’anémone des bois, au printemps, m’enchantaient avec les vastes tapis blanc et violet qu’elles déployaient sur le sol des sous-bois. J’associais donc les corolles tourbillonnantes de la première à celles, tellement simples qu’on les aurait dites dessinées par un enfant, de la deuxième. Ces deux amies m’informaient du retour du printemps. Elles sentaient la verdure, l’humidité de la terre mouillée de ce début de saison où tout renaît. Malgré tous mes souhaits, hélas, elles arrivaient souvent à la maison froissées, déshydratées, fanées, déjà passées. Il ne restait plus qu’à attendre la promenade du dimanche suivant
Parfois, avec un peu de chance, je trouvais des violettes odorantes, leurs minuscules visages en pointe nichés dans la mousse et là, quel plaisir de se mettre à genoux, la tête penchée, pour sentir leur parfum puissant, mais fugace ! Je les cueillais plus rarement, les tiges étant si petites qu’elles tenaient à peine entre mes doigts. Et moi qui n’aime pas les bonbons, je n’ai jamais pu résister aux fameuses « violettes ».
Ivresse et silence
Un peu plus tard dans l’année, c’était la fête, celle du 1er mai, avec sa promesse de muguet ! D’abord, les expéditions de reconnaissances une semaine plus tôt, pour voir si notre « coin », sur le coteau de Gorze, avait donné. Si oui, les feuilles seraient déjà là, roulées bien serrées sur elles-mêmes. Et la fois suivante, à la date dite, je faisais le plus gros bouquet possible, comme un pompon vert et blanc dans ma main.
Mon plus grand délice était de plonger mon visage dedans, de sentir la constellation de baisers frais et humides que les multiples clochettes déposaient sur mon visage, puis d’inspirer très fort par le nez. Première ivresse : le parfum envahissait ma tête, semblait descendre le long de ma gorge tel un nectar. L’enivrement total. Durant mes années parisiennes, loin de mes forêts, je ne m’achetais pas les malheureux brins vendus dans un emballage plastique au coin des rues, ou à la caisse des supermarchés. Non, ils étaient trop tristes et sentaient à peine. Quelques années plus tard, devenue traductrice, et le hasard m’ayant conduite à me spécialiser dans le domaine de la parfumerie, j’ai découvert, à ma grande surprise, que le muguet est une fleur muette, silencieuse. Ses composants odoriférants ne se laissent pas extraire !
Des secrets de son parfum, le muguet ne veut rien nous laisser. Il a fallu que les humains prennent le chemin des laboratoires pour tenter d’identifier des molécules dont les odeurs se rapprochent de la sienne : d’abord l’hydroxycitronellal, puis le Lilial et enfin, le Nympheal. Quelque part, ce mystère me rend la fleur encore plus chère…
Le goût des roses
Il y a aussi des fleurs qui me touchent par les liens familiaux qu’elles évoquent. La rose, incontournable, est la fleur de ma grand-mère, qui porte son nom et a toujours tenu à en avoir, quand elle avait un jardin. Elle les faisait grimper le long de l’arceau qui menait au potager. D’elles, j’ai gardé le goût des « vraies roses », celles qui s’épanouissent et qui sentent, qui se multiplient sur la tige, et un souverain dédain pour les roses de boutique, tiges droites comme des piquets et corolles quasi fermées, trop rigides et artificielles, et qui ne sentent rien.
Les tulipes sont éternellement liées à ma mère
Trônant sur la table du salon dans un vase transparent, elles s’égaillent dans tous les sens, elles continuent de pousser, tellement pleines de vie, leurs pétales charnus s’ouvrent, se tordent et se retournent sur eux -mêmes, dévoilant de manière fort impudique leurs étamines, telles des houppettes recouvertes de poudre, et leur fruit oblong.
Une saison après l’autre
Enfin, il y a les découvertes d’adulte. Deux fleurs ont pris de l’importance pour moi ces dernières années : le perce-neige et la pivoine.
Devenue plus sensible au passage des saisons, j’ai remarqué, lorsque j’ai habité Compiègne, la présence de l’humble perce-neige et je me suis mise à guetter sa venue chaque année. Une fleur qui pousse au cœur de l’hiver, pendant le mois de février, réputé le plus froid. Faut-il s’étonner qu’elle soit symbole d’espérance chez nous et de courage chez les Amérindiens ? C’est ce qui me fascine chez le perce-neige : ce mélange de force et de fragilité. Qui dirait, à le voir pousser à l’abri des haies, sa corolle si lourde qu’elle tombe vers le sol au bout d’une tige qui ploie sous son poids ? Pourtant, elle perce la neige. C’est une fleur-action, poussée par une énergie ascendante. Je préfère ce nom à celui que lui donnent les anglophones, snowdrop, « goutte de neige ». Poétiquement descriptif, certes, mais animé d’un courant descendant, comme prêt à s’écraser par terre.
Dans mon souvenir, la mode des pivoines est apparue il y a une dizaine d’années.
Soudain, toutes mes amies en avaient des bouquets sur leur commode, leur table, leur étagère. Si déjà à cette époque, elles m’ont séduite, avec leur corolle-crinoline froufroutante et parfumée, c’est dans les allées étroites du jardin des roses du parc impérial de Compiègne que j’ai vraiment appris à les aimer. Ne vous laissez pas abuser : il n’y a pas que des roses au Jardin des roses. Les parterres abondent aussi en pivoines et en iris. En mai, j’accourais, prête à passer une demi-heure le nez baissé sur les arbustes, à respirer leurs odeurs. Mettant mes mains en coupes, je les glissais sous les fleurs, laissant reposer leur calice au creux de mes paumes et j’inspirais, j’inspirais. Le parfum de certaines s’approchait de celui d’une rose, d’autres se teintaient de notes citronnées, ou encore épicées.
Aujourd’hui, je suis moins prompte à couper les tiges, je sais résister à l’appel du bouquet et si je prélève encore une corolle ou un pétale par-ci par-là, c’est plus souvent pour la faire sécher dans mon carnet. Au bout de quelque temps, tout aplatie entre les pages, elle me rappelle l’endroit où je l’ai cueillie, ou ramassée, et dont j’ai ainsi conservé une part d’essence”.
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A écouter le podcast sur les Plantes à Parfum
https://www.youtube.com/channel/UCaJK1pr350KrOJep-PeRZ7w/playlists
Isabelle Sadoux, rédactrice
Je redige des articles , interviews, brochures, newsletters, plaquettes, sites internet, et réalise des vidéos et des podcasts.
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